PRESSE

 

Télérama avril 2021 – article de Bénédicte Philippe

Christel Valentin explore l’histoire, la nature et la mémoire avec « presque rien » : un trait évanescent, des techniques picturales qu’elle met au point en restant au plus près des matières naturelles (résidus de mines de crayons, cendre, fusain…). Portraits de résistants politiques inspirés de photographies d’actualité, ballet de méduses, nuée d’étourneaux… L’artiste montre avec cette économie de moyen la fragilité de la vie, qu’un rien menace d’effacer. Sa série sur les feux de forêt est magistrale. Face à elle, on est au milieu des flammes, on entend le bois crépiter.

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Télérama mars 2017 – article de Bénédicte Philippe

 

Exposition personnelle De natura rerum – Galerie Schumm-Braunstein – 2017

Se référant au poète Lucrèce, auquel elle consacre aussi un livre d’artiste, Christel Valentin s’interroge sur la nature des choses. La méduse est au cœur de ce travail de peinture et de dessin : faite d’eau et de matière organique, cette créature légère et gracieuse est, pour l’artiste, l’image idéale d’une résilience du vivant ». Une image qu’elle oppose à un paysage abstrait de fils électriques… Une plongée philosophique inspirée.

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La Gazette de Drouot – mars 2015 – Article de Lydia Harambourg :

Exposition Personnelle Ressource – Galerie Schumm-Braunstein Paris 3e – 2015

Avec sa troisième exposition, Christel Valentin (née en 1970) continue d’interroger l’espace de la feuille. Le dessin est perçu comme une métaphore, celle de l’être humain jeté dans le monde d’aujourd’hui. Questionnement existentiel qui rejoint celui de l’acte de dessiner. Comment et à quelle fin ? On retrouve une pudeur identique avec le geste de l’artiste ? Audacieux et sûr. Délicat et raffiné. Tout part d’une peinture – Ressource épuisée – qui amorce des fragments de réponses. Pour l’artiste, cette dernière est dans l’imaginaire. L’évasion, le voyage et l’errance dans les profondeurs aquatiques. Là où vivent les méduses, ces animaux formés de tissus transparents, devenus le thème récurrent d’une récente série dessinée. Le trait flexible se laisse conduire par une main virtuose. La poudre de graphite mêlée à un liant dispense des fils volatiles, se mouvant en souplesse, comme en apesanteur sur la surface immaculée. La lumière naturelle du fond vient renforcer son inconsistance. Cette impalpabilité nous piège, elle nous séduit, nous éblouit. Ces étranges ombrelles aux filaments urticants évoluent dans une solitude lunaire. L’espace abstrait contraste avec l’image de la méduse, étrange dans son évolution mystérieuse, d’une beauté troublante avec sa grâce évolutive.

 

 

 

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Texte de Julie Chaizemartin, journaliste et critique d’art, écrit pour Art press, Le Quotidien de l’art, Beaux-arts magazine…

pour le catalogue de l’exposition Presque rien avril mai 2021 – Galerie Schumm-Braunstein

Christel Valentin opère en séries. S’arrimant à un motif, elle en scande les modulations, en dissèque les contours, en élime la matière, en creuse les tâches de lumière, en évacue les ornements superflus. Jusqu’au-boutiste, elle ne s’arrête que lorsqu’elle estime que l’image lui a tout livré. Alors, il ne reste « presque rien ». C’est ce résidu, cette essentialité, qu’elle interroge à travers diverses techniques picturales qu’elle met au point au plus proche d’une matière naturelle (cendre, eau, poudre de fusain). Portrait gratté jusqu’à l’effacement, méduse liquéfiée jusqu’à la transparence, nuée d’étourneaux envolée grâce au plus simple des motifs, forêt agonisant sa perte dans la cendre.

« On ne peint bien que ce que l’on perd » écrit l’artiste à propos de sa série Les Survivants. La peinture serait-elle un procédé sacrificiel induit par un engagement plein et entier sur le chemin le plus long qui soit, celui de la quête de vérité ? Sur un fond rouge, un visage contemporain nous fixe. Les yeux sont habités par l’instinct de survie et l’extrême fragilité de la matière pulvérulente – un enduit plâtré sur toile qui agit comme une fresque – rend palpable la tension qui en émane, tiraillement entre impermanence de toute chose, de toute chair, et pulsion de vie. Les traits à moitié disparus donnent à ce carré de toile l’aspect d’une icône ineffaçable. Non sur fond d’or, mais sur fond sanglant. La peinture a été grattée, parfois jusqu’à la fibre du support. Certains de ses portraits ont été créés à partir de photographies des prisonniers des Khmers Rouges. Ce visage est celui d’un résistant à la mort, effigie anonyme d’abord glanée sur internet, et, comme dans une autre série représentant une femme kurde combattante, il devient le symbole de la survivance des images. Sous les couches affinées de la peinture, l’intensité du regard se fait plus forte et plus belle, comme sortie d’une obscurité – voire d’un obscurantisme – pour nous en restituer ce qui reste inaltérable, la dignité de l’âme humaine. Tels les portraits du Fayoum exhumés des tombes égyptiennes et dont les yeux continuent de nous happer.

On le comprend, il s’agit d’un rapport fusionnel à l’image enfouie, celle qui précisément a peut-être le pouvoir de révéler, sous le manteau de la peur, l’espoir et le sursaut invisible qui animent chaque tragédie contemporaine. Sur le point de bascule qui oscille entre anéantissement et héroïsme, le dessin trouve une troisième voie, celle de la résilience. Car ce qui caractérise sans doute le plus le trait de l’artiste, c’est sa détermination à chercher, à enquêter, à révéler dans un but de libération. C’est un dessin de la persévérance et de la conviction, attaché au refus, non de la fragilité, mais de la vulnérabilité. Il faudrait même parler de déterminisme du trait dans le sens où y réside une nécessité intérieure beaucoup plus intime. Valentin n’est en effet pas devenue artiste par choix, mais bien par « nécessité », pour défier quelque chose, d’abord en bravant l’interdit parental, lorsqu’à 8 ans, elle dessine sur le mur du voisin avec de la cendre de feuilles mortes. Aujourd’hui, elle comprend combien sa démarche artistique est indissociable de ce premier geste de l’enfance. Puis, la vie passant, des bribes d’images biographiques et des bouts de non-dits terribles ont resurgi : la scène de son grand-père parti en camp de concentration, sa mère à peine âgée de 6 ans assistant à l’arrestation dans le bureau de Klaus Barbie. « Je dois être le passeur d’une vérité à retrouver » dit l’artiste. Des choses sont encore secrètes, refoulées. Elle entame dans le dépouillement systématique de ses œuvres la longue enquête archéologique de l’inconscient familial, couche par couche. Il s’agit d’une descente orphique et cryptique, attelée à l’espoir de « voir » enfin. Elle évoque, par comparaison esthétique, la scène de la découverte miraculeuse de fresques antiques dans une station de métro obscure et humide dans Fellini Roma. Il y urgence à montrer la trace, avant qu’elle ne disparaisse à jamais.

De sa belle série récente des arbres en feu, on retient le blanc du papier qui fascine et hypnotise à la manière des flammes crépitantes. Là encore, c’est le vide qui est chargé d’une force incroyable. Les troncs noirs peints à la cendre dansent au rythme cadencé d’une chorégraphie des morts. Notre œil entend le craquement du bois dans les flammes. La narration s’amplifie de papier en papier, conduite par un lyrisme relativement nouveau dans l’univers de l’artiste, et dont le format allongé des œuvres fait penser à une partition musicale qui jouerait un requiem. À la fin, le drame se noue, l’enfer embrase la nature, mais le phénix renaîtra de ses cendres. Cendres du deuil et de la régénération. Le sursaut de vie est toujours présent au point qu’une interconnexion nous semble bientôt évidente entre les différents motifs explorés par l’artiste. Plus poétique, la série des Méduses parle aussi du presque rien, du scintillement dans l’obscurité, de l’évacuation de la matière. Puisqu’une méduse est constituée de 98% d’eau et de 2% de matière organique, Valentin a utilisé 98% de liant acrylique transparent et 2% de mine de plomb pour dessiner ses délicates gorgones aquatiques au plus près de leur état naturel. Le résultat est celui d’une évanescence cristalline qui dérive au gré des flots, emportant avec elle le mystère de la résistance au chaos et de la résilience du vivant.

Il est question d’une dynamique de la résurgence qui transcende ces œuvres extrêmement délicates, jusqu’à en exhumer la force artistique. Le processus de répétition des séries atteint même la beauté mathématique dans l’incroyable nuée d’étourneaux réalisée en relief sur papier à l’aide d’une multitude de rognures de crayons. Processus libérateur, autant pour l’artiste que pour le regardeur. C’est parce que Christel Valentin est fondamentalement une artiste du vivant, de ses ressources et de ses contingences contemporaines, que son art s’ancre dans nos propres émotions.

 

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Illustration pour la couverture du mensuel Santé mentale n°145 février 2010 et illustration du dossier Ethnopsychiatrie de 54 pages avec 36 portraits de survivants.

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La vie n°3035 oct 2003 – article de Françoise Besson : commissaire des expositions du Festival La chair et Dieu

Les essentiels : visite privée – La Chair et Dieu : artistes et Théologiens pensent le corps

Têtes
« La chair vive s’efface progressivement et révèle une présence plus immatérielle » Christel Valentin
… Elle nous donne à voir des traces de vis et toute la profondeur de l’âme. Nous sommes touchés par la chair du monde.

Le travail de Christel Valentin pose véritablement la question de la présence incarnée en peinture. Dans son mémorial de visages, de regards, l’évidence de sa peinture manifeste la présence de la chair et, au-delà, la profondeur des âmes. Il y a ceux, dit-elle, qui subissent, ceux qui sont loin d’avoir trouvé un épanouissement spirituel, ceux qui s’interrogent, ceux qui sont en extase… Dans la galerie de portraits, Christel Valentin met en jeu le rapport qu’entretiennent le regard et son objet. Elle joue avec le visible et l’invisible, l’apparition et la disparition. La chair vive, explique-t-elle, s’efface progressivement et révèle une présence plus immatérielle. La présence est ici, ce qui reste une fois les émotions évacuées… « Cette présence est plus vivante qu’une émotion. Elle vibre ». Ces visages habités, vivants, nous invitent à saisir une présence plus immanente. Elle se révèle au prix d’une installation dans un rapport au temps long. Comme les portraits de défunts du Fayoum, c’est par le regard de l’absent que la vie passe.

On peut aussi s’interroger sur la carnation des visages, une incarnation rouge. Christel Valentin a choisi le rouge, à une exception près, celle d’un jeune africain sur fond jaune. Ce rouge omniprésent n’est pas sans rappeler et désigner l’intérieur des corps. On songe au sang, symbole de vie, qui circule sou chaque peau. Et parfois, le rouge creuse la surface des chairs, jusqu’à devenir uns peau écorchée.

Des visages pour un visage du monde. Elle montre la chair de l’humanité dans une dimension d’ouverture à l’universel. Chaque visage a été travaillé par étapes, par strates, par couches successives. Grattés, ils paraissent usés, étonnamment vivants. Ici, des carnations plus claires, là des peaux fragilisées.

L’artiste nous donne à voir des traces de vie. Autant de plis de tissus, comme autant de limites temporelles à traverser pour aller, en définitive, traverser sa propre chair. La notion de profondeur de l’âme prend alors sa substance. Enfin, quand le temps fait son œuvre, le rapport s’inverse et la peinture semble nous regarder, nous regarde vraiment. Est-ce la toile tendue ? La surface de la peau ? Nous sommes touchés par la chair du monde. Et cette géométrie du vivant, véritable hymne à l’incarnation, nous redonne la croyance dans le monde. C’est-à-dire simplement croire à la chair, c’est témoigner de la vie.

 

 

 

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